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Salles obscures

Vendredi et samedi dernier, je me suis fait une cure de cinéma car les affiches des salles étaient bien fournies… J'adore passer mon temps dans les salles obscures, et je ne m'en lasse pas. J'essaye aussi vaguement de corriger mon inculture cinématographique (de Troma à Truffaut en passant par Total Recall, et de Méliès à Miyasaki en passant par les Marx Brothers) mais c'est long…

Hukkle (Hic, de crimes en crimes) J'étais intrigué par les critiques le décrivant comme original et faisant références à Microcosmos ou Lynch ou Tati, intrigué par ce film hongrois sans paroles, et aussi par le cochon de l'affiche. En effet, ce film est original, et il l'est d'une bonne manière. On se laisse emporter par la succession tranquille des images - un petit village, vu en se focalisant tantôt sur les insectes et les animaux, tantôt sur les mécaniques et les mouvements, et enfin aussi sur les gens dans leurs tâches quotidiennes - on se laisse prendre dans l'ambience sonore très présente, et tout doucement se déroule l'histoire et les crimes de Hukkle, sur le rythme d'un hoquet

Tiresia est un film sombre. Un transexuel, Tiresia, est kidnappé & sequestré, pendant la moitié du film, où il se fait crever les yeux aux ciseaux et jeter dans un bois. Recueilli ensuite par Anna, il se découvre des dons de voyance, dont il fait part à ceux qui viennent lui en faire la demande. L'histoire d'un oracle hermaphrodite à l'époque moderne est bien posée, mais il vaut mieux savoir où on mets les pieds quand on va voir ce film.

Jules et Jim - j'ai enfin comblé ce manque à ma culture (mais il en reste tant) en voyant ce classique de Truffaut en grand écran. Jules et Jim papillonnent autour de Catherine, incarnation du sourire d'une statue. Ce triangle amoureux est séparé par la guerre, Catherine épouse Jules l'allemand, mais ne peut accepter une vie de couple - pas plus avec Jules qu'avec Jim après les retrouvailles. L'amitié de Jules & Jim, l'amour de Catherine, le tourbillon des sentiments est sans solution, et le film est encore bien plus que ça.

Mystic River est le nouveau Clint Eastwood, qui signe un film noir simple et très efficace. Dans l'enfance, Jimmy, Sean et Dave sont un trio d'amis dans un quartier populaire de Boston - mais Dave est un jour kidnappé par deux faux flics qui le sequèstrent et en abuse durant des jours avant qu'il ne réussisse à s'échapper. Trente ans plus tard, Dave en garde toujours les marques, et le trio n'existe plus mais ils vont se retrouver autour du meurtre de la fille de Jimmy. Sean, flic, mène l'enquète tandis que Jimmy, hardboiled, veut justice - et Dave est au centre des soupçons… Ce n'est pas l'originalité qui prévaut, mais l'ambience et les personnages, excellement servi par la réalisation (clint rocks) et les acteurs (Kevin Bacon, Tim Robbins & Sean Penn, rien que ça !)

Ken Park se situe dans une petite ville d'amérique, où des jeunes qui s'emmerdent font face à des parents partis en couille. Gummo d'Harmony Korine (scénariste de Ken Park) était déjà un portrait de l'amérique profonde, et on retrouve cette vision pathétique ; Larry Clark fait un film plein de sexe et de violence, et de folie lamentable. J'ai trouvé que les traits des personnages étaient trop poussés, qu'il y avait trop de gratuité dans l'agencement de l'ensemble, et qu'au final on se trouve avec un sordide porno à prétentions plutôt que devant un film qui dit quelque chose - voir aussi le post de Matoo sur ce film

Attention Danger Travail est un documentaire sur des chômeurs décidant de refuser le monde du travail, les emplois précaires, de perdre leur vie à la gagner. Mélangeant les interviews de ces déserteurs du marché du travail et des documents divers (intronisation à la pensée Dominos Pizza, coach pour démarcheurs téléphoniques, &c.), le film est un constat, pas un discours de propositions. On y entends la voix de ceux qui, après avoir perdu leur emploi, ont appris à vivre avec des ressources très limités, et ont découvert un autre usage de leur temps. Certes, entendre dire je ne veux plus travailler est provocateur, mais ce qui apparaît d'emblée comme un parasitisme flagrant peut parfois être nuancé : entre la manière de gagner sa vie d'un speculateur en bourse, les profits indécents d'un gros gros patron, la carrière d'un militaire ou un RMIste qui vit avec 360 €, qu'est-ce qui correspond vraiment à du parasitisme ? Le plus souvent, on va trouver des gens non-qualifiés (de la chair à emplois précaires ou travail à la chaîne) qui ne supportent plus d'user leur santé pour gagner peu et vivre mal - et qui se trouvent mal avec le discours du gouvernement de droite et du medef qui veulent revaloriser le travail et le goût de l'effort. L'humain et l'économique en conflit, pas de solution, mais des questions en suspens.

American Splendor, c'est la vie d'Harvey Pekar, vague documentalisme peu sociable, qui navigue sa morne existence entre Jazz et BD, ses deux passions. Il en vient à écrire des scénarii de BD basés sur son quotidien. Son ami Robert Crumb - dessinateur de BD et amateur de Jazz - mets en image les textes d'Harvey… Celui-ci devient alors connu, tout en restant l'anonyme documentaliste, mélange de célébrité et de loser… Le film au ton sympathique fait un portrait de l'homme et de sa vie, et si ça manque un peu de peps' l'ensemble se laisse bien regarder, on retrouve quelques similarités avec Ghost World de Terry Zwigoff, et ça donne envie de connaître l'oeuvre de Pekar. Ça me donne aussi envie de voir Crumb (Zwigoff encore)

La vie privée de Sherlock Holmes. 211 films ont été tournés sur Sherlock Holmes, ce qui fait du détective le personnage le plus souvent porté à l'écran, devant Napoléon, Dracula et Jésus Christ (Quid 2003). Cette version est celle de Billy Wilder, et c'est du bon cinéma. Difficile de trouver des défauts, le film est bien structuré et bien rythmé d'un bout à l'autre, mélange bien la comédie et le suspens dramatique, et il a sa part d'originalité. Sherlock Holmes apparaît pour cette fois une personnalité plus surfaite et moins brillante, et c'est une belle pièce de plus au puzzle des réadaptations du mythe…

Une fois revenu dans les vosges, le dimanche, j'ai été en faire un neuvième, car numero deus impare gaudet

La Ligue des Gentlemen Extraordinaire. Je me devais d'aller le voir, étant fan de la BD d'Alan Moore (pour ceux qui ne connaissent pas le pitch : Allan Quatermain, L'homme invisible, Capitaine Némo, Dorian Gray, Dr.Jekyll et d'autres sont recrutés par M. pour sauver l'empire britannique à l'aube d'un conflit mondial), mais je savais que je serais déçu. Déçu évidemment par le scénario bout d'ficelle qui est ridicule par rapport à ce que ça aurait pu être. Ridicule aussi le sous-emploi des personnalités, réduisant les figures populaires énormes à leur caractéristique basique. Ridicule de voir comment est traitée la psychologie de l'homme invisible, de voir comment sont effacés tous les traits adultes des persos (Allan au début de la BD est une loque défoncé à l'opium, L'homme invisible un pervers…), Ridicule encore de voir le manque de finesse de la scène présentant le vampirisme de Mina Harker… Malgré tous ces défauts, il reste des passages qui ont de la gueule, et pour ceux qui ne veulent vraiment qu'un divertissement hollywoodien, ça fait bien l'affaire.

Commentaires

Mystic River a l'air drôlement alléchant !

merriadoc @ octobre 22, 2003 10:59 AM

Youpie! Il a vu Jules & Jim :)

flo @ octobre 23, 2003 10:53 PM

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